La dépression post partum
La dépression post-partum, souvent sous-diagnostiquée, affecte 10-20% des nouvelles mères, avec des symptômes apparaissant généralement 4-6 semaines après l'accouchement. Un soutien adapté est crucial pour la santé maternelle.
La dépression post partum est aujourd'hui encore assez mal repérée et diagnostiquée (50% ne le sont pas), et constitue la seconde cause de décès maternel dans la période périnatale. En effet, elle reste relativement tabou (sentiment de honte, de culpabilité et d’isolement chez la mère) et ses manifestations sont bien souvent banalisées par le corps médical et/ou l’entourage. Ce défaut de repérage peut malheureusement participer à la pérennisation des symptômes dans le temps et à un retard de prise en charge adaptée.
La dépression post partum, qu’est-ce que c’est ?
La dépression post-partum est un trouble de l’humeur spécifique à la période périnatale. Dans le langage courant on entend aussi régulièrement parler de “dépression maternelle” ou “dépression post natale”. Elle touche 10 à 20% des femmes. Les premiers symptômes apparaissent en moyenne dans les 4 à 6 semaines suivant l’accouchement, souvent de manière insidieuse, et peuvent parfois n’être repérés que bien plus tard au cours de la première année. On la distingue donc d’une dépression antérieure à la grossesse, d’une dépression qui aurait débuté durant cette dernière (dépression prénatale ou pré partum) ou encore du baby blues qui se manifeste quelques heures après la naissance du bébé (lien vers l’article sur le baby blues).
Ses symptômes
La dépression du post-partum reprend globalement les même symptômes que la dépression “classique” comme décrite et définie par le DSM-V ((manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié et révisé régulièrement par l’association américaine de psychiatrie) :
- Humeur triste présente la plus grande partie de la journée (presque tous les jours)
- Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes (ou presque) les activités
- Perte ou gain de poids supérieur à 10% du poids d’origine (souvent en lien avec une perte ou une augmentation de l’appétit)
- Troubles du sommeil (insomnies ou hypersomnie)
- Agitation ou ralentissement psychomoteur
- Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessif
- Diminution de l’aptitude à penser ou se concentrer
Auxquels viennent s’ajouter d’autres signes plus spécifiques et centrés sur l’expérience maternelle :
- un sentiment accru d’incapacité à être mère suscitant une grande culpabilité,
- des pensées intrusives/une phobie d’impulsion (peur de vouloir et/ou de faire du mal à son bébé),
- des comportements de soins inadaptés et/ou discontinus
- des difficultés à interagir avec son bébé et à l’investir émotionnellement et psychiquement
- une fatigue très importante, durable et résistante au repos ( souvent rationalisée voire banalisée par l’entourage car rapportée au changement de rythme qu’implique l'accueil d’un bébé)
- des pensées morbides et suicidaires
Ce dernier symptôme constitue un signe d’appel important et doit être impérativement questionné, adressé et évalué par l’entourage et les professionnels de santé. Il existe une ligne d’écoute et de prévention du suicide (3114) mise à disposition des patient.e.s, de leurs proches et des professionnels de santé, joignable 24h/24 , 7j/7.
Diagnostiquer la dépression post partum
Enfin, pour que le diagnostic de dépression post partum soit posé, ces symptômes doivent être présents depuis au moins 2 semaines et “se démarquer du fonctionnement habituel de la personne”. En d’autres termes, c’est le caractère durable de ces manifestations ainsi que leur retentissement sur la santé de la mère, sa qualité de vie et son expérience de la maternitiné qui vont permettre le diagnostic. Certains outils à l’instar du questionnaire EPDS (Edinburgh Postpartum Depression Scale) peuvent participer à l’évaluation de la dépression du post-partum et de sa sévérité. Cette échelle peut vous être proposée par n’importe lequel de vos professionnels de santé et est également facilement accessible en ligne. De plus, au-delà du repérage, son utilisation tend à favoriser l’ouverture d’un dialogue autour des difficultés rencontrées au quotidien dans le post-partum.
Pourquoi développe-t-on une dépression post partum ?
Comme pour chaque affection psychologique, il est difficile voire impossible de lui prêter une cause certaine et unique. Il existe cependant plusieurs facteurs pouvant l’expliquer mais également participer à sa prévention lorsqu’ils sont repérés précocément. Ainsi, l’on retrouve:
- Des facteurs sociaux et environnementaux: isolement, manque d’étayage social et familial, précarité, primiparité, survenue d'événements stressants durant la période périnatale (déménagement, conflits conjugaux, perte d’emploi, décès d’un membre de l’entourage…)
- Des facteurs biologiques et physiologiques: changement et/ou dérèglement hormonal lié à la grossesse et l’accouchement, “carence” ou excès de certains neurotransmetteurs impliqués dans la régulation de l’humeur, manque de sommeil…
- Des facteurs somatiques et médicaux: préexistence ou survenue durant la grossesse d’une pathologie (hypertension, diabète, obésité…)
- Des antécédents personnels et/ou familiaux de troubles psychiques: troubles anxieux, troubles dépressifs, dépression du post-partum lors dès grossesses précédentes…
- Des facteurs obstétricaux: complications durant la grossesse et/ou à la suite de l’accouchement, pathologie/malformation foetale, menace d'accouchement prématuré, accouchement traumatique, antécédents de deuil périnatal
Impact sur le couple et dépression post natale chez le co-parent ?
La dépression post-partum vient inévitablement marquer le cocon familial, et principalement le couple et le co-parent. A l’instar de la mère, le/la partenaire est susceptible de développer un syndrome dépressif à la suite de l’arrivée d’un bébé. On parlera alors de dépression post natale ou “parentale”.
En effet, bien que les aspects biologiques et hormonaux n’entrent pas nécessairement en jeu (ou en tout cas, à moindre niveau), le partenaire est lui aussi en proie aux facteurs de risques développés ci-dessus. L’arrivée d’un enfant vient sans conteste ébranler l’équilibre antérieur (rythme de sommeil, organisation quotidienne, vie sociale et professionnelle…) et le vécu de soi (histoire personnelle, rôle au sein du foyer, responsabilités…). Les études menées sur le sujet montrent par exemple que jusqu’à 10% des pères seraient concernés par la dépression post natale. Bien qu’il n'existe pour le moment pas de données au sein de la littérature scientifique sur l’incidence chez le co-parent au sens large (dans le cadre de couples homoparentaux ou de familles co-parentales par exemple), on peut toutefois imaginer une épidémiologie similaire.
Enfin, on observe globalement une symptomatologie comparable à celle présentée par la mère, avec une apparition plus ou moins différée et/ou plus progressive. Ainsi, le dépistage et la prise en charge du syndrome dépressif chez le partenaire constituent également un enjeu capital.
Comment s’en sortir ?
Dans le cadre de la dépression, les autorités de santé recommandent la mise en place de mesures hygieno-diététique simples mais néanmoins importantes, à savoir:
Dormir suffisamment
Ce qui peut être et paraître difficile à observer lorsque l’on vient d'accueillir un nouveau né. Toutefois, le sommeil est une composante capitale du bien-être psychique et physique. Ainsi, durant les premières semaines et les premiers mois, l’implication du co-parent ou de membres de l’entourage dans la gestion des nuits constitue un appui non négligeable.
Maintenir le lien social
Comme nous l’avons vu, l’isolement social et le sentiment de solitude font partie des facteurs de risque de la dépression post-natale. Il est donc conseillé de favoriser le maintien de contacts sociaux réguliers ( sans pour autant négliger ses propres besoins de calme, de (re)centrage sur soi et de repos).
- Adopter un bon équilibre alimentaire et une activité physique régulière
En effet, on sait que la pratique d’une activité physique favorise la production d’endorphines (souvent appelés “hormones du bonheur”) qui ont une action anxiolytique, antalgique et relaxante. Il en est de même pour le régime alimentaire qui influence grandement le microbiote intestinal. Or, on connaît aujourd’hui les liens étroits entre ce dernier et le bon fonctionnement cognitif.
Bien évidemment ces recommandations sont à adapter à la réalité du post-partum et du rythme qu’impose la parentalité. Ainsi on recommandera par exemple des balades à pied en guise d’activité sportive et des repas “faits maison” à préférer aux plats transformés.
Sur le plan thérapeutique, il existe différents “degrés” et modalités de prise en charge de la dépression post partum:
- Psychologique
En première instance, peu importe la sévérité de la symptomatologie dépressive, on préconisera la mise en place d’un suivi psychologique. Cet accompagnement à visée thérapeutique peut constituer le point de départ d’une prise en charge plus large et soutenue. Il permet d’offrir à la patiente un espace d’écoute, de décharge et de conseil. Le suivi peut être réalisé en individuel (et faire intervenir ponctuellement le co-parent et le bébé si besoin) ou de manière conjointe (thérapie mère-enfant ou parents-enfant) selon la demande. Lorsque cela est nécessaire, l’accompagnement par un psychologue peut être soutenu par un suivi, plus ponctuel, avec un psychiatre (ce dernier étant un médecin, ses consultations sont prises en charge par l’assurance maladie). C’est par exemple le cas lorsque lorsque l’intensité des symptômes de la dépression nécessite la mise en place d’un traitement pharmacologique en complément de la psychothérapie.
- Médicamenteuse
Selon la sévérité de l’épisode dépressif, la mise en place d’un traitement médicamenteux peut en effet être recommandée et nécessaire. La prise d’un traitement antidépresseur et/ou anxiolytique n’est pas obligatoirement contre-indiquée en cas d’allaitement. Il est cependant essentiel et indispensable que celle-ci soit adaptée (posologie, molécule active) et encadrée correctement par un médecin (psychiatre ou généraliste).
La liste des molécules compatibles avec l’allaitement est consultable sur le site du CRAT (www.le-crat.fr).
- Hospitalisation
Dès lors que la symptomatologie dépressive semble présenter un risque pour la mère et/ou le bébé, une hospitalisation peut être mise en place (préconisée par le médecin ou sur demande de la mère). Celle-ci peut être réalisée dans un service de psychiatrie classique, toutefois lorsque cela est possible, on lui préférera une unité d’hospitalisation plus spécifique et adaptée, à l’instar d’une Unité Mère-Bébé (ou Parent-Bébé) qui comprend une équipe formée à la psychiatrie périnatale. Cette dernière a pour objectif, au travers d’une hospitalisation conjointe, de maintenir ou de développer le lien mère-bébé et d’accompagner sa construction dans des conditions sécurisantes et ajustées.
- Autres ressources
On peut également proposer aux parents de prendre part à des groupes de parole et de soutien (en PMI, via des associations ou des forums/pages dédiés à la parentalité et/ou à la dépression post-natale sur les réseaux sociaux) ainsi que des ateliers (portage, massages, relaxation/yoga par exemple) pour aider et favoriser le développement du lien parent-bébé.
FAQ
Q : Est-ce que je fais une dépression post natale ?
R : La présence des symptômes cités ci-dessus (et ce, depuis plus de deux semaines) est en générale indicatrice d’une dépression post natale, notamment lorsque ceux-ci se manifestent de manière intense et envahissante. En cas de doute, parlez-en autour de vous et à votre médecin.
En parallèle, vous pouvez également vous référer à l’échelle de dépression post partum d’Edimbourg (EPDS) facilement consultable en ligne. Un score égal ou supérieur à 8 suggère un risque d’épisode dépressif.
Q : Combien de temps dure une dépression post-partum ?
R : Il n’existe pas de durée “typique” pour une dépression postnatale. Celle-ci peut s’étendre sur quelques semaines, plusieurs mois et aller au-delà d’un an. Son évolution est propre à chaque femme et est sous-tendue par les différents facteurs de risques et de protections que nous avons vu. Il est primordial que l’entourage soit sensibilisé à cette problématique afin de constituer une ressource supplémentaire pour la mère et le couple parental. Une prise en charge et un traitement adaptés permettront également de limiter le risque de récidive lors d’une future grossesse.
Q : Quelles différences avec le baby blues ?
R : Le baby blues, aussi appelé “Syndrôme du 3e jour”, est un épisode de perturbation de l’humeur et des émotions qui se veut bref (n'excédant pas 2 semaines), non pathologique et très fréquent. Il toucherait 50 à 80% des mamans, se manifeste quelques heures à quelques jours après l’accouchement et disparaît de manière toute aussi spontanée sans nécessiter de traitement particulier.
La dépression post partum, bien que moins fréquente, concerne elle (malgré tout) 3 femmes sur 10. Elle apparaît plus à distance de la naissance de l’enfant, en général dans les 4 à 6 semaines qui suivent et peut évoluer sur plusieurs mois. Les symptômes s’installant parfois à bas bruit, ils peuvent n’être repérés que bien plus tardivement. Contrairement au baby blues, elle requiert une prise en charge psychologique et parfois pharmacologique (traitement antidépresseur et/ou anxiolytique).
Q : Quel impact sur le bébé ?
R : On retrouve régulièrement dans le discours des mamans ayant connu une dépression post natale ou en traversant une, l’idée et la peur d’avoir “endommagé” son bébé. Il est donc important de rappeler que, bien que les intéractions et donc le lien avec l’enfant soient inévitablement teintées par la symptomatologie dépressive, rien n’est figé ou ‘irrattrapable”. Le bébé est un petit être au développement dynamique et dont les ressources sont multiples. La mère n’est pas la seule personne avec qui il est en interaction au quotidien. Ces dernières sont aussi soutenues par le co-parent, la fratrie, les différents acteurs du mode de garde…
Ainsi, si l’on parle d’impact de la dépression post natale sur le bébé, il est nécessaire d’avoir à l’esprit que celui-ci va dépendre d’une multitude de facteurs comme: la durée et l’intensité de la dépression, l’accès à un accompagnement thérapeutique adapté, l’étayage de l’environnement dans lequel le bébé évolue et ses propres capacités de résilience.
Rédigé par Élodie Calif, Psychologue chez Yada.